Pour en parler aux autres
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En m’ouvrant leur site, les animateurs de bitcoin.fr m’ont signalé un thème qu’ils auraient aimé que j’aborde : « Bitcoin à la recherche de son identité ». Cela me paraît effectivement utile, d’autant qu’avec cette rentrée déprimante, on va entendre parler du bitcoin dans les repas de famille que pour la double chute du cours et de M. Karpelès…
Une démarche fructueuse, en matière d’identité du groupe, c’est souvent de se demander ce que pensent les gens qui sont extérieurs au sujet.
Il est assez naturel que le bitcoin suscite de prime abord des réactions négatives. Je passe sur les faux subtils qui plissent les yeux avant d’accoucher d’une question du genre « ce serait pas une Ponzi, votre truc ? », et sur ceux qui sont bien satisfaits de répéter en la matière, comme ils le font pour tout autre sujet, ce qu’ils viennent d’entendre dire même s’ils ne savent déjà plus où ni par qui.
Mes interlocuteurs préférés, ce sont ceux qui me disent tout de go « je n’y comprends rien ». Ça me donne un peu envie de leur dire « Moi, non plus ». Il ne faut pas s’en priver. Cela crée du lien, ouvre les oreilles et les cœurs. Ensuite on peut suggérer, selon le type de culture de l’interlocuteur, soit des comparaisons religieuses (de Dieu, n’est-ce pas, le moins imprécis est de dire qu’Il existe – ou non ; ensuite le terrain devient incertain) soit des comparaisons avec la physique quantique (dont, comme me le confiait un jour un polytechnicien, on ne comprend jamais vraiment tout, mais à laquelle on finit par s’habituer).
Mais je crois qu’il ne faut surtout pas commencer par dire que bitcoin c’est du fric. Parce que la plupart des gens n’appréhendent pas le fric par ses usages mais par ses apparences et ses représentations. N’est pas Aristote qui veut !
Donc je conseille d’oublier un instant la question « il sert à quoi, Bitcoin ? ». Demandons-nous plutôt : « C’est quoi ? il ressemble à quoi ? ». Bref allons-y comme dans le sketch fameux : le Schmilblick est rond, il contient du jaune, il tient dans la main, on peut le faire cuire de différentes façons et un navigateur le faisait tenir debout…
Ça donnerait sans doute quelque chose comme : le bitcoin n’existe pas comme un oeuf, il contient du orange, on a accès à lui via une adresse impossible à retenir mais facile à perdre, on peut le virer à un autre maffieux si on en connaît un qui en veuille bien, et un japonais qui était peut-être une martienne nous en a fait cadeau.
Pas certain qu’une telle définition entre un jour dans le dictionnaire. Au moins a-t-elle le mérite d’éveiller l’intérêt.
Dans deux prochains articles j’exposerai d’abord (un peu) plus sérieusement comment dresser une « fiche d’état civil » du bitcoin. Ensuite je montrerai comment on peut tenter de le représenter. En parlant le moins possible d’argent !
A propos de l’auteur :
La quête incessante de l’info du moment aurait tendance à nous faire oublier qu’il n’y a pas « de vraie communauté sans production historique et réflexive ». Cette production distanciée et nourrie par l’Histoire, c’est Jacques Favier qui la propose à la communauté le long de la Voie du Bitcoin !
« De par ma formation d’historien, je regarde le monde différemment d’un technicien : sur le temps long, en cherchant – derrière les produits qui apparaissent – ce que les nouveaux services offerts induiront comme mutations de société mais en gardant à l’esprit les permanences de la nature humaine. Le trésor des siècles offre aussi l’occasion de bien des associations d’idées. […] Avec Bitcoin […] j’ai pressenti presque instantanément qu’il y avait quelque chose de nouveau sous le soleil du vieil or monétaire, tant comme instrument pratique que comme scandale pour la réflexion sur la monnaie ». – Jacques Favier
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