[Presse] Les Echos / Vinay Gupta, spécialiste de la blockchain, coordinateur du lancement d'Ethereum
-
Les Echos - Supplément spécial - Édition du vendredi 19 janvier 2018
Interview de Vinay Gupta, spécialiste de la blockchain, coordinateur du lancement d’Ethereum
Vinay Gupta a participé avec Vitalik Buterin au lancement d’Ethereum. Considéré aujourd’hui comme un gourou de la blockchain, il en est le représentant au sein du lobby Digital Catapult au Royaume-Uni. Il a aussi fondé la start-up Mattereum, dont le but est de connecter les contrats intelligents (« smart contracts ») de la blockchain au système légal traditionnel. Il explique dans une interview aux « Echos » comment il perçoit la position actuelle des régulateurs face à cette nouvelle technologie. Par Nicolas Madelaine
Extrait
Nicolas Madelaine Y a-t-il un risque que le régulateur étouffe le développement des cryptodevises ?
Vinay Gupta La technologie du cryptage a déjà été tuée dans l’oeuf plusieurs fois. Elle a d’abord été classifiée comme une arme et donc incluse dans le spectre de l’International Traffic in Arms Regulations (Itar) américaine au début des années 1990. Cela a tué une industrie aux Etats-Unis qui savait déjà crypter les e-mails. Beaucoup de gens de cet écosystème se sont alors réfugiés sur l’île d’Anguilla, dans les Caraïbes, qui a acquis la réputation de centre de cryptage. Dans les années 2000, c’est la société e-gold Ltd qui a été fermée par le gouvernement américain. (…) L’entreprise n’a jamais pu obtenir une licence bancaire alors qu’elle aurait pu la réclamer avec une certaine légitimité (…). La chute de e-gold Ltd a en tout cas motivé certains à créer le bitcoin peu de temps après.
Aujourd’hui, les régulateurs financiers comprennent parfaitement ce qui se passe avec la blockchain et les cryptodevises, de même que les autorités fiscales. (…) Mais il est très peu probable qu’ils détruisent ces nouvelles technologies. Qu’est-ce qui pourrait pousser les autorités à resserrer leur contrôle ? (…) En matière de bitcoin, il a fallu jusqu’à maintenant avoir une bonne compréhension de la technologie pour acheter du bitcoin. On peut donc penser que les quelques acquéreurs de cette devise ont pris une décision bien informée. A ce stade, le gouvernement n’a pas besoin d’intervenir. En revanche, on voit poindre des publicités pour des projets, par exemple d’ICOs, mal conçus et promettant des gains importants. Tant que le bitcoin monte, il n’y a pas de problème. Mais pour le régulateur, il deviendra difficile de ne pas intervenir quand beaucoup de gens auront perdu de l’argent. C’est à ce moment qu’il aura le choix entre être intelligent ou prêt à prendre le risque de bannir une nouvelle technologie.
Dans ce cas, y a-t-il un risque d’éclatement de bulle qui entraînerait un retour de bâton réglementaire ?
(…) Quand les gens achètent des devises de la blockchain comme le bitcoin, c’est pour parier sur cette gigantesque transformation dans les paiements. S’y exposer par le biais d’une devise n’est pas une mauvaise idée. Le problème, c’est qu’on ne sait pas quelle cryptodevise sera utilisée in fine. ça peut être une alternative au bitcoin, une monnaie lancée par les Nations unies… C’est extrêmement imprévisible.Tous droits réservés