[Presse] Le Figaro / « Le bitcoin est un enfant de la crise de 2008 » selon Éric Chaney, conseiller économique de l’Institut Montaigne
-
Le Figaro - Édition du samedi 27 & dimanche 28 janvier 2018
Dans ses pages du Figaro Économie, le quotidien publie un interview de l’économiste Éric Chaney, conseiller économique de l’Institut Montaigne
Le Grand Témoin - Éric Chaney, conseiller économique de l’Institut Montaigne
Extrait
Qu’est-ce que le bitcoin ? (…) Concrètement, le bitcoin est un grand registre numérique, une chaîne où chaque transaction est enregistrée, validée grâce à la puissance de calcul de millions d’ordinateurs. Le système se veut inviolable, et il l’est : personne n’a décrypté la clef depuis 2009.
Comment expliquer la forte hausse du cours du bitcoin ? (…) Il joue le rôle de valeur de réserve. Le bitcoin permet de gérer son épargne facilement, sans passer par un intermédiaire, sous pseudonyme. Aucune institution publique ne peut y mettre son nez ! Et c’est cela tout l’intérêt du système pour ses partisans, puisqu’ils considèrent que la corruption est du côté des institutions publiques.
S’agit-il d’une bulle financière ? Cela rappelle la bulle tech de l’an 2000, à la différence près que le système même du bitcoin a programmé cette hausse en limitant le nombre d’unités à une quantité finie. Ainsi, à moins d’une très forte réaction des autorités dans un nombre significatif de pays, le bitcoin continuera à progresser.
Comment réguler le bitcoin ? c’est [soit] de réglementer les échanges comme ceux d’autres actifs. Mais cela ne porte que sur les transactions à la frontière entre le système du bitcoin et les autres devises, quand il y a conversion (…) [ou] c’est ce qui risque de se produire si le bitcoin et d’autres cryptomonnaies ont trop de succès, au point de gêner la politique monétaire. Les banques centrales émettront leurs propres cryptomonnaies – certaines y travaillent déjà, comme en Suède, en Angleterre ou en Chine. La validation des transactions serait alors déléguée à un groupe de personnes et non plus laissée au marché.
La régulation doit-elle être internationale ? Pas nécessairement. Il revient à chaque État de protéger ses épargnants contre les escrocs. Mais une régulation internationale peut être nécessaire si le phénomène prend une ampleur systémique, aggravée par la possibilité que ce marché puisse être manipulé par quelques acteurs. (…)
Si les banques centrales émettent des cryptomonnaies, peut-on envisager que la création de monnaie se passe du secteur bancaire ? C’est une possibilité radicale qui avait été envisagée par un groupe d’économistes réunis par le président Roosevelt après la crise de 1929 et qu’on a appelé le plan de Chicago. Ils considéraient les banques privées comme d’incorrigibles sources de bulles d’endettement aux conséquences catastrophiques. L’idée était donc de nationaliser la monnaie et de cantonner les banques à la production de crédit dans un volume strictement égal à leurs dépôts. (…) (L’article)Tous droits réservés